Bischöfliche Aktion Adveniat e.V.
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Der Himmel ist einfach zu schön

Le pays attend, il n’ira nulle part. Le ciel est bien trop beau. - Das Land wartet, es wird nirgendwohin gehen. Der Himmel ist zu schön. Die haitianische Schriftstellerin Évelyne Trouillot hat einen kurzen lesenswerten Text verfasst – eine Art Liebeserklärung an ein Land, das wieder zu leben beginnt.

 

 

Haïti-Séisme : Si vous êtes en vie…

Par Evelyne Trouillot [1]


Martine X si vous êtes en vie, appelez votre père au numéro suivant… il est très inquiet.
Jonel Y … vos frères et sœurs aimeraient avoir de vos nouvelles. Si vous êtes en vie…. appelez-les…
Si vous êtes en vie…
C’est le leitmotiv qui remplit non seulement les émissions radiophoniques, mais l’esprit et les cœurs.
Une interrogation qui flotte dans l’air à l’évocation d’un ami, d’un collègue, d’une connaissance, d’un ancien condisciple de classe. Une interrogation qui fait qu’on hésite à poser clairement la question parfois, comme si l’ignorance protégerait de l’horreur d’avoir à compter une mort de plus. Depuis mardi, la vie ici se définit d’abord par la non confirmation de la mort de soi-même, des êtres chers, des parents et amis.
Depuis mardi, la vie a changé du tout au tout. Elle se mesure par la joie de retirer quelqu’un des décombres, par le désespoir, à l’approche de la nuit sans aucune nouvelle d’un proche disparu, par la jubilation intense à la vue d’un ami au hasard d’une rue. Un ami qui a survécu, un ami vivant. Depuis mardi, les efforts nationaux et internationaux se multiplient.
Des survivants sortent des décombres, des hôpitaux et centres de santé sont ouverts. De nouvelles secousses, bien moindres, se font encore sentir, mais provoquent beaucoup moins de panique.
La population semble beaucoup plus intéressée à survivre, à trouver nourriture, eau potable. Les chants religieux eux-mêmes se font plus rares, comme si l’énergie de tous se concentrait sur le tissage de réseaux de survie. Depuis mardi, nous comptons nos morts.
Des morts anonymes, des noms connus, qui soulèvent un sursaut collectif, des chiffres qui font frémir.
Une femme a perdu dix-sept membres de sa famille, un homme a vu sa femme et ses trois enfants périr sous les décombres et s’est donné la mort. Depuis mardi, l’horreur a pris des visages jusque-là inconnus. Des enfants tressautent au moindre bruit d’une porte qui claque ou d’un poids lourd qui passe. Des adolescents ont fait connaissance avec la mort, ayant appris brutalement qu’elle peut, d’un coup, surgir et ravager des êtres chers. Les yeux fixés sur les étoiles de ce ciel qui demeure, pour moi, le plus beau au monde, il me vient inconsciemment des images, des phrases, des bribes de réflexion sur les êtres et les choses, sur la place de la littérature dans un monde où une telle catastrophe peut, en moins d’une minute, détruire des dizaines de milliers de vies et laisser un pays béant.
Un trou ouvert, un espace dénudé, mais c’est dans cette béance que nous retrouvons les parts importantes de nous-mêmes en tant que société.
Après la stupeur des premiers moments, l’instant d’immense désolation qui déclencha les plaintes, provoqua la démence et la peur, l’humour reprit le dessus.
Un humour souvent salvateur, porteur de courage et de dérision vis-à-vis du malheur.
Le courage de regarder la mort et de continuer avec, dans les yeux, une tristesse incommensurable, mais une détermination qui s’installe, sous la plante des pieds, pour en soulever un, puis l’autre, et initier la marche.
Cette même détermination qui prend racine au coin des lèvres, les pince et les repince, les plie et les étire en un sourire qui en appelle un autre.
J’entends l’humanité survivre dans les voix autour de moi, railleuses envers le malheur, envers soi-même, comme pour dire à quoi ca sert de pleurer, tu es vivant, oui ou non ?
Des voix pleines de compassion, pour soulager un autre et l’aider à porter sa peine. Des voix qui protestent et réclament plus de justice, plus d’efficacité dans la distribution de l’aide.
Des voix pleines de dignité, qui disent que la vie ne peut être accueillie à genoux, mais debout, toujours debout, il faut vite se relever et lui faire face.
Nous n’avons jamais eu un autre choix.
C’est ce qui me vient en tête, alors que je suis couchée sur mon lit de fortune, une nuit de plus à attendre que la terre se calme.
Couchée à contempler les étoiles de ce ciel qui me fait signe jusqu’aux tripes, lorsque je suis trop longtemps absente, je me rends compte que ce que nous écrivons, en fin de compte, est en deçà de la vie, et que c’est l’éternel défi de l’écrivain que d’arriver à faire sentir ne serait qu’un infime souffle de l’humanité dans son immense vitalité.

Si tu es en vie, prends ton courage à deux bras.
Le pays attend, il n’ira nulle part. Le ciel est bien trop beau.

Évelyne Trouillot
Delmas, Haïti

[1] écrivaine, professeure de méthodologie en Haïti

Quelle: alterpresse, erschienen am 17. März 2010

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